jeudi 16 avril 2020

Intermède cinématoludique

Sur un réseau près de chez vous, haut lieu avant-gardiste de la distanciation sociale, on m'a mis trois fois plutôt qu'une "au défi de poster juste une image-pas d'affiches, pas de titre, pas d'explication de 10 films qui ont eu un impact sur moi. Juste une note, pas seulement des favoris, mais des films qui ont vraiment eu un effet d'une certaine manière. Et de désigner une nouvelle personne à chaque jour."

Pour répondre à ce défi (l'éviter diront certaines) en s'épargnant des jours de "posts" fb consécutifs et des choix traumatisants tout en se faisant plaisir, voici une belle mosaïque de jolies images d'un paquet de 50 films qui ont eu un "effet d'une certaine manière". Comme on a du temps, ça occupera à la fois les cinéphiles et les amateurs de casse-têtes, presque pour tous les goûts, mais il en manque encore beaucoup. L'image devrait s'agrandir si vous cliquez dessus, mais ça vous donnera pas le nom des films.

Pour arriver à cette sélection, vous constaterez qu'il a fallu choisir un thème et essayer de pas mettre la même face trop souvent, ce qui élimine un autre paquet de films qui ont eu un effet d'une manière tout aussi certaine et non négligeable.

Ceci dit, merci aux lanceurs de défi pour les échanges cinématographiques aussi passionnants qu'enrichissants. :)

En prime, si vous voulez faire changement du binnegeage de séries, voici quelques endroits où trouver des trésors cinématographiques à voir ou revoir.

Pour soutenir les amis:
https://www.cinemamoderne.com

Pour les suggestions du FNC:
https://nouveaucinema.ca/fr/actualites/fncine-confine

Pour des heures de plaisir :
http://www.openculture.com/freemoviesonline (gratuit)
https://www.kanopy.com (gratuit si vous êtres membre de la BAnQ. Merci Brigitte pour le tuyau de Pat.)
https://films.criterionchannel.com/?geo_availability=CA&sort=directors_sort_str (payant)
https://mubi.com/fr (payant)



samedi 11 avril 2020

Jour X, pleine lune Y, le printemps, le retour

[Note pour ceux et celles qui sont abonnés-es au courriel automatique: vaut mieux aller lire directement sur le blog (ici), le courriel n'est pas toujours complet quand il y a des photos ou vidéos, comme c'était le cas dernièrement.]
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Difficile de trouver un chiffre pertinent avec ce temps flou qui s'étire comme une marche mollo au bout d'un bâton de 2 mètres dans une file d'épicerie, à en oublier les jours vides et les pleines lunes.

Le décompte de la quatorzaine étant terminé, il restera quand même quelques jours à conter sur les 330 derniers, à commencer par un retour sur le retour. Anecdotique et plus ou moins pertinent, une fois revenu, parvenu, tout frais déquarantainé, nourri, logé, abreuvé, aéré. Mais qui vaut tout de même la peine de se le bloguer, avec le recul de ne pas pouvoir prendre de l'avance ou de s'empêcher de tourner en rond, semi-reclus. Ne serait-ce que pour avoir de la lecture à la prochaine pandémie...
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Mahébourg, [NDLR: attention au choc si vous cliquez sur le lien suivant] Chillpill Guesthouse, un dimanche 22 mars 2020, le printemps
Le défi, une fois sorti du déni du samedi, c'est qu'il faut bien sortir du béni paradis si on veut pas rester chez Maurice jusqu'à l'automne. À vue de 22 mars, les premiers cas ont été déclarés il y a quelques jours à peine, des mesures de crise sont en place sur l'île depuis avant-hier (fermeture de tout commerce non essentiel, écoles, etc.) et d'autres s'en viennent. La sortie doit idéalement se faire sans passer par l'Europe, espace Schengen et alentours étant apparemment impénétrables aux non-EU, et les informations sur la possibilité d'être en transit dans un aéroport européen sont limitées et contradictoires. Seul choix possible, le dernier vol de la compagnie des émirs qui quitte l'île Maurice demain et vole ses derniers clients jusqu'à Montréal en un incertain périple de 49h, dont 21 sur plancher de granite, sous épais plafond de verre, à Dubaï.
L'itinéraire, à 36,70$ de l'heure:
MRU-DXB: Lundi 23 mars, départ à 23h
DXB-YYZ: Mercredi 25 mars, départ à 3h30
YYZ-YUL: Mercredi 25 mars, départ à 13h
Beau total: 1800$.
Achat fait en ligne. Jitvb.

Mahébourg, Chillpill Guesthouse, un lundi 23 mars 2020, le matin
Nouvelle no 1:
Dubai-based Emirates Airline is suspending all passenger flights from March 25 for a renewable period of two weeks as the United Arab Emirates halts all inbound, outbound and transit passenger flights in its effort to combat the spread of the coronavirus.
Nouvelle no 2:
Emirates, one of the globe’s largest airlines, has stepped back from its initial decision on Sunday to temporarily suspend all its passenger commercial flights by March 25, 2020, this after facing pressure from governments.
Occupation du jour: essayer de valider la nouvelle no 2 sur les internets avec une légère inquiétude flottant dans l'air salin, mais une fantastique vue (chambre du bout sur la photo du site web du Chillpill, y a pire, vraiment) et quelques phoenix pour sympathiser avec les trois couples de Français encore impartis.

Aéroport international Sir-Seewoosagur-Ramgoolam, un lundi 23 mars 2020, du soir au matin, en 12 temps
1. 19h. Un taxi pré-couvre-feu de 20h et 1h de file indienne masquée noire de monde, gonflé d'espoir, enfin, arrivé au comptoir:
   - Désolé Monsieur, le vol Dubaï-Toronto étant annulé, nous ne laissons pas les Canadiens monter à bord pour Dubaï.
   - Il doit bien y avoir une erreur, voir la nouvelle no 2 ci-haut.
   - Non, pas d'erreur [pas assez de pression de votre gouvernement, vos chars d'assaut sont trop chers], mais allez attendre au comptoir 14 voir si Quelqu'un y suit. (...)
2. 20h30. « On peut peut-être vous mettre sur Dubaï-Boston, mais une fois à Boston, vous vous arrangez avec vous-même et avec les Américains. Tout ça pour le même prix. Vous êtes chanceux. Attendez ici, Quelqu'un reviendra avec des informations. »
3. 21h. Pendant l'attente, l'amie Caro me trouve des bonnes places Boston-Mtl, dans les rouges derrière le filet. On me redit  « Quelqu'un s’occupe de vous » et une jeune Canado-Mauricienne de Toronto d’une incroyable brouillardise s'affaire à évacuer son stress en me posant incessamment des questions sans réponse.
4. 21h53.  «Désolé, pas de place pour vous sur Dubaï-Boston, pas de Maurice-Dubaï, pas de bras, pas de chocolat. Vous pouvez toujours aller scèner à la billetterie quasiment fermée d'Air Mauritius. Bonne chance. » Et de là, marche jusqu'à la billetterie pour une tentative assez dégonflée d’espoir en imaginant six mois de camping dans une chambre d'hôtel avec vue incroyable, à manger des sandwichs de bon ton. Y a pire, quand même. Comme attraper le virus dans un hôpital mauricien parce qu'on s'est cassé un orteil en s'enfargeant dans les marches de la piscine avec une 6e phoenix dans le corps, avant le dîner.
5. 22h15. Le Miracle du Dernier des Cinq Sièges. Il y a une dernière place sur le vol MK014 pour Paris du mardi soir avec une connexion CDG-YUL sur les airs du Canada. Le bagage suivra, facile comme ça. La réservation est à un paiement de se faire: 1440$.
6. 22h16. Ma carte de crédit, celle dont le nip s’est évaporé curieusement entre deux neurones sous le soleil laotien, est bloquée, même après avoir convaincu la madame curieusement exaspérée d’appeler le service des ventes pour faire la transaction sans nip au téléphone, sans doute par ma banque vu que j’essaie d’acheter un 2e billet d’avion pas donné en 2 jours.
7. 22h32 [scène au ralenti] Ici, le voyageur expérimenté, avisé et averti, après des décennies de pérégrinations exhaustives, sort triomphalement une carte de crédit de backup, de spare ou d'espoir, c'est selon, repêchée péniblement au fond d'un sac à dos de 80 litres... et au moment de la remettre à la préposée, aperçoit une date d'expiration absolument non collaborative: 12/19. [Face en déconfiture et fin du ralenti].
8. La nouvelle réservation se transformera évidemment en citron à minuit si le paiement n'est pas fait avant, pendant que les places sur les six derniers vols des prochains jours fondent comme de la glace dans un p'tit pain chaud qui s'envole au soleil.
9. 22h35. À mes côté, en train de quitter le comptoir, billets d'avion pour le fameux vol du lendemain en main, une dame et son mari, des magiciens Maurico-Ottaviens retraités d’une infinie bonté, m'offrent de payer pour moi avec leur carte de crédit non expirée non bloquée non rien pantoute, magique.
10. Ébaubi pis ébaudi, j'ai beau dire comme je vous dis pas.
11. 22h45. Les madames d'Air Mauritius en heures supp. en ont plein leur avec pas d'masque des touristes qui veulent sacrer leur camp et ferment la patente malgré la file de mécontentes. Y a pu de taxi depuis 20h par cause de couvre-feu présidentiel national. Voir no 1.
12. Nuit à l’aéroport, pas si mal sur bancs pas si durs, au son des averses tropicales et de la danse des moppes bangladaises. Et on se demandait où étaient passés les 296 travailleurs bangladais qui peuplaient pas à peu près le vol Singapour-Maurice le 14 mars il y a deux cent ans.

Mahébourg, Chillpill Guesthouse, un mardi 24 mars 2020, le matin
Le taxi charge un autre 400 roupies pour le retour au Chillpill, la gérante avisée par courriel a l'air juste-assez-contrariée-mais-pas-trop qu'un autre client revienne de l'aéroport sans en être pas revenu, il y a encore assez de confitures, de baguette, d'oeufs et de café pour déjeuner, ma chambre est intacte et n'a pas bougé d'un bord de mer, la sieste sous la brise océane est bienvenue et désormais il est permis d'aller à l'épicerie deux jours par semaine, selon la première lettre de votre nom de famille. Je vous laisse le lien suivant pour comprendre les règles et pratiquer votre créole mauricien, langue absolument fascinante, ban djimoun djimoun: https://www.lemauricien.com/article/covid-19-mesures-a-respecter-a-louverture-des-supermarches-et-boutiques/

Même mardi, mais le soir
Plein de confiance, j'ai laissé passer mon mardi d'épicerie. Le taxi arrive au Chillpill à une heure assez convenue dans les 18h45 et charge les 500 roupies discutés pour me ramener à l'aéroport international Sir-Seewoosagur-Ramgoolam en 18 minutes. Avec absolument pas de trafic. Le vol est plein à 110% et vide à -10, il y a quelques malchanceux attachés dehors sur les ailes, le personnel de bord a revêtu ses plus beaux habits de salle d'opération, bonnet, soute de cosmonaute, gants, masque et tuba, on a droit au vin mais pas deux fois et à deux repas chauds relativement convenables pour les 12 heures de vols jusqu'à Paris. Rien à redire, ça commence enfin à ressembler à un début de fin.

CDG, le mercredi 25 mars 2020, le matin heure locale
Drôle d'ambiance post-apocalyptique somnambulatoire. Seul avec le chauffeur dans le grand bus qui fait la navette entre les terminaux. Seul avec moi-même au gré des longs corridors. Commerces fermés. Lumières éteintes à la porte d'embarquement. Rien à redire, ça commence étrangement à ressembler à un début de fin du monde.
Si ce n'est du seul endroit ouvert où un humain accepte non sans réticence de me changer un billet de 5 euros pour la machine à café. La carte sans nip bloquée fonctionne inexplicablement en paiement sans danse contact pour l'achat de deux histoires vécues pas drôles et d'un paquet de gaufrettes au chocolat. On se croirait dans un blog.
Le vol pour Montréal est plein à 20% et vide à 80. Les agents de bord portent masques et gants, ni plus ni moins. Pas de bière pas de vin. Les deux lunchs froids offerts sont très corrects et l'atterrissage se fait en douceur, sans frapper de jet privé mal parqué.

YUL, le mercredi 25 mars 2020, l'après-midi l'air local
Tranquille à Dorval. Une demoiselle derrière le kiosque à corona en bas des escaliers roulants offre de l'information comme on vend de la limonade, ou de la bière tiens, facile, mais gratuite. Pas de prise de température ou de scanner thermique comme à Vientiane, Bangkok, Singapour et Maurice. Le douanier pose les questions ordinaires et extraordinaires. Le sac à dos arrive à temps. Le chauffeur de taxi n'a pas de soute d'astronaute. Le trafic de 16h30 est celui de 4h30. Décalé. Comme le passager. Comme le reste du monde. De retour. En quaranquatorzaine. Somme toute assez zen.

Voilà, c'est écrit.
Maintenant revenu, parvenu, tout frais déquarantainé, nourri, logé, abreuvé, aéré.
Merci d'être toujours là, tellement!

Et parce qu'on aime ça les petits vidéos avec de la bonne musique: https://vimeo.com/406330970
Mot de passe: Pas besoin de demander





jeudi 9 avril 2020

Petites choses exotiques sans numéro

L'eau potable en direct.
La musique agréable en stéréo.
La vie (sexuelle) des plantes d'intérieur.
Le balcon, l'escalier, la cuisine, le salon.
Le silence appréciable de la clim fermée.
La très buvable session houblon du Castor.
Le LPB Roast sans le sourire de la cafétière.
Les fantasmes inimaginables des plans d'extérieur.
La joie inexprimable des visites emplissant l'âme et le frigo.

La gravité à vélo.
La neige qui fond.
Le soleil à 6 celsius.
L'oxygène dans l'air.
La lenteur qui gravite.
La liberté conditionnelle.

Le temps qui se distend.
Les lieux moins les gens.
Les jours moins le décompte.
L'expression "distanciation sociale".
Le silence inconcevable de la ville fermée.
L'émotion qui fesse fort d'une ascension par la face nord.
Les deux gars sur Jeanne-Mance qui marchent un mercredi après-midi.
Les deux gars sur Jeanne-Mance qui marchent un après-midi en buvant de la corona.

"Les orteils nus remués
une fois libérés des souliers.
Les mains froides qu'on réchauffe
en les frottant l'une contre l'autre."











Et la toune que j'ai entendue:
https://www.youtube.com/watch?v=a7YqvPFZzSc

Et voici venir le fleuve, sur des images d'un autre temps, qu'on veut revoir au plus saint-sacrement:
https://www.youtube.com/watch?v=A5nb3zOciTU