L'américain jasait géographie japonaise avec le réceptionniste. J'attendais pour payer, cerveau engourdi, un lendemain matin de dortoir pas trop ronflant, mais un peu quand même.
"Where's that?", que je lui demande en chinois.
"South. Yakushima Island. Amazing place. You HAVE TO go there. You've seen Princess Mononoke, right?", et il attend une affirmation du genre "Bien sûr mon ami, gé-ni-al ce grand classique qui confirma définitivement en '97 la stature de Hayao Miyazaki comme un maître de l'animation mondiale et attira sur lui l'attention des critiques dans le reste du monde... Dommage qu'il vienne de prendre sa retraite. T'as vu son dernier, Le vent se lève?" mais reçoit plutôt un "euh, humm, yeah, sure" pas très assumé, pendant que je me dis "Mononoki donc?" et me résonne faiblement par l'hippo... (oups... hippo... hippoquoi déjà?) la cloche de la mémoire à long terme, lointaine, souvenir vague de dessin animé pas vu, sans trop savoir si je me mêle pas avec Pocahontas et les sept daims ou Shylvidre, la p'tite sirène bleue qui jouait de l'ocarina.
"Well, the forest where she lives, you know, The Amazing Forest...!! Well, it exists Man... you know... it's fucking real!!! 6000-foot peaks and 3000-year-old cedars Man, imagine! Even fucking Frodo or the intergalactic Ewoks wouldn't believe it. And I'm going right there, right now. Bye!"
Pendant trois secondes je me suis demandé si je les avais pas déjà vus en show, Fucking Frodo and the Intergalactic Ewoks, puis le réceptionniste m'a dit en japoglais qu'il ne prenait pas les cartes de crédit, j'ai réalisé que j'étais au Japon et j'ai payé en vingt yens.
J'ai jamais revu l'Américain.
Dans le train un peu plus tard je me disais à moi-même, en parfait franglais, qu'un rabat-joie cinglant un peu plus cultivé et de répartition preste lui aurait sans hésiter rétorqué: "Well, you know Noé, the movie? With Russell Crowe and Emma Watson Man. You know, right? Le gars avec une barbe, des chèvres pis des girafes Man? On the top of the mountain Dude. 6000-foot peak. Et son gros bateau en cèdre Buddy. You know, right? And le déluge mon Champion? 3000 years ago. Well... it's real Capitaine! Yakushima. He logged the whole forest for the damn' boat. Now, only a few trees left, 7-8 monkeys, 3 deers, still raining, and I'm not fucking going there pour m'y noyer. No way!"
(Ça manquait sérieusement de jeux de mots bilingues dans ce blog... gâtons-nous)
Quatre jours plus tard...
Il pleut. Dru. Faut faire vite. Trouver à loger, planifier une rando, prier en shintô pour que personne ne ferme l'improbable fenêtre d'opportunité de deux jours ensoleillés prévue à la météoimmediat. Il pleut 35 jours par mois à ce qu'on raconte dans les chaudières. Dix mètres d'eau à grands coups de siaux. Y a des pancartes de traverse de poissons sur le bord de la route et certains habitants dissimulent d'élégantes branchies sous leur masque.
Vancouver c'est le désert d'Atacama.
Quatre heures de bateau de Kagoshima. Au loin, vrombissantes sur une crête tel un hydrofoil de croisière, "C'EST DES ZÉOLIENNES". Le débarquement se fait à midi trente. Il pleut, évidemment. L'auberge de jeunesse de Miyanoura est pleine à ras bord, mais il y a de la place à l'autre, à ¥3650 dans le tatami et à 1,5h de bus, départ à 15h23. Ça laisse du temps. Pour se détremper à pieds. Retour au port pour de l'info sur les randos et la passe de bus de 3 jours (¥3000), au magasin de plein-air pour louer un sac de couchage (¥1000) et le casier pour faire de la place dans le sac à dos (¥300), course au ATM à l'autre bout du village, retour en sprint à l'épicerie à côté du magasin. Six oeufs, 4 bananes, 300g de peanuts, 450g de granolas, 2 boîtes de sardines, 3 palettes de chocolat (¥1700). En masse pour 2 jours. À la ligne d'arrivée à 15h16. Arrêt de bus, top chrono. La foule est en liesse. Jack Bauer peut aller se rhabiller, de préférence avec son ciré jaune et ses plats ou ses bottes à l'eau. Parce qu'i' mouille, je vous l'ai pas déjà déjà dit?
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