lundi 31 mars 2014

En bécik sur les rebords - Kratie, Cambodge

[ndlr: ouf, de justesse, mais réussi à "flashbacker" jusqu'en mars avant qu'avril nous tombe tous dessus. À ce rythme-là, l'hiver va reprendre au Québec et je serai encore en train de bloguer sur ma semaine nu à me mijoter le hanami dans un onsen.]

Kratie (se prononce "kratché"), une fin de semaine à, du 1er au 3 mars.
Rebords de Mékong, roulés et déroulés chaleureusement. Vélo de rase campagne, frais rasé, soute de "mamil" serein, brosse à dents, t-shirt et paire de bobinettes de rechange, gépéesse, c'est parti!  40km aujourd'hui, rive droite en remontant, 40km demain, rive gauche en descendant. Pas de chicane, lignes droites des deux bords. Nuit prévue dans un wat que l'Espagnol de Ban Lung m'a dit accueillant et dépannant, mais pas dans le guide.

Départ vers 8h30. Le vélo est encore un Giant. Les freins avant collants comme du bon riz d'ici, mais pas besoin, pas de côte. [nàmm: prochain voyage après le Groenland et les Aléoutiennes, traîner des pinces et des clés Allen.] 
1er objectif: trouver le traversier à quelques km au sud pour se rendre sur la rive droite, celle à l'ouest. Passé tout droit, mais fini par trouver. 1000 riels pour traverser.
2e objectif: trouver le wat, où 'y a des moines, où on peut loger et où 'y a le retraversier.
Côté ouest, pas mal tout le long, il y a le fleuve, une rangée de maisons avec vue dessus, des palmiers autour, la route assez étroite de sable sec tout venant granuleux sur fond dur, une autre rangée de maisons, d'évaluation municipale moindre, avec vue sur la route, vue sur les voisins d'en face, et vue partiellement voilée sur le fleuve, des palmiers autour. Et d'autres arbres aux noms pas écrits dessus. À part les palmiers et la route pas pavée, c'est comme à Neuville. Sauf qu'ici, on est sur pilotis des deux bords. En fait, la cour et le garage sont en-dessous de la maison. Et des fois, la cour, c'est la piscine. Pratique. Sauf qu'il faut à chaque fois vider le garage pour le monter dans le salon. Moins long que de vider la piscine, et le Mékong.

Donc remonté le fleuve presque comme en pédalo, mollo, mais sans la 12 en arrière, en me faisant crier des beaux "hello" et des beaux "bebye" d'enfants aux 10 secondes, pendant 4 heures. Zéro "hello pen". Même pas de "hello one dô-lar". Que des sourires de mini-cambuds contents de pratiquer l'anglais et de voir un étrange passer en bécik pas de frein avant.
En chemin, un paquet de trucs que j'aurai bien aimé photographier, si c'était pas du malaise du voyeur qui débarque dans la cour du monde sans appeler avant. Blanc en plus. Comme dans les films. Pris des photos mnémoniques à la place. Les épluchettes de blé d'Inde des femmes et enfants accroupis entre la maison et la pile d'épluchures, les génératrices chargeuses de chârs de batteries, le sandwichier ambulant (lui, je l'ai posé, 2 fois plutôt qu'une, tellement content que j'étais de trouver de quoi à manger), les maisons sur pilotis, les enfants au volley, les parents au hamac (c'est dimanche), les moulins à scie, les mariages sur leur 36, les dépanneurs-stations-services, qui vendent de l'essence à mobilette dans des bouteilles de coke en plastique, et du coke... dans des bouteilles de coke en plastique. Après quelques heures, je commence à demander pour le wat. "Wat Damnak, this way?", pointe-je. "Yes yes", me répond-t'on de bon ton. Et je continue. Le gépéesse est plutôt flou sur la position exacte du wat. Il est encore tôt, à peine passé midi, alors je me dis que je pourrais prendre le retraversier tout de suite et laisser faire la nuit su'l ciment à faire la cuiller avec moine même. Toujours est-il qu'après pas mal de va-et-r'viens sur mes pas, je l'ai jamais trouvé le Wat Defoc. Encore moins le retraversier. Peu importe où je pointais ou ce que je disais, tout le monde répondait "yes, yes" avec un beau sourire. Un grand classique de poli tic étrange.
J'ai fini par me planter en face d'où j'allais vraiment le lendemain, une dizaine de km en amont du présumé wat, à me demander si c'est si profond que ça, le Mékong, combien de nœuds dans le courant, combien dans le vent, quel angle prendre pour optimiser la traversée et si le bambou ça peut vraiment servir de tuba. Tout ça considérant le vélo de 15 tonnes, la densité de l'eau brune plus de mille fois supérieure à celle de la poussière dans l'air et les eaux infestées de dauphins de l'Irrawady. Comment? Je vous ai pas dit? C'est une des grosses attractions à Kratie. Les dauphins de l'Irrawady. Ça ressemble à un béluga gris qui serait rentré à pleine face dans un coup de pelle. On vient même de l'Irrawady pour les voir. Comme si des touristes de Virginie (l'État, pas l'émission) venaient checker les chevreuils chez nous et en Estrie. Mais dans le bois sur le bord de la 221, pas dans le fleuve.
Bon, tout ça jusqu'à ce que le 2e samaritain de la journée apparaisse. Et il a pas eu grand chose à faire pour apparaître. Planté devant sa maison, je lui cachais la vue. Bébé dans les bras, sourire dans les lèvres, anglais dans l'approximatif, il me demande où je vais. Je m'exécute tout de go, et j'ai pas fini mon mime de la sardine qui se fraie le Mékong d'ouest en est à la nage en respirant du bambou qu'il me montre sa femme qui est déjà au cellulaire à appeler un bateau-taxi à St-Antoine-de-Tilly. Ce sera 5$ qu'elle lui me dit, bateau privé, 20 fois le prix de ce matin. Je dis oui assez immédiatement, sans même penser qu'il y a pas un bambou à l'horizon et que respire pas dans une feuille de palmier qui veut.

J'ai monté à bord avec le Giant, dit "la poune" au moins 33 fois pour  remercier le samaritain qui s'éloignait, puis tenté de spotter un dauphin sans succès dans mes études.

Une fois du bon rebord, je me suis embrayé en 18e vitesse et j'ai déroulé ça franc su'd'l'asphalte tout le long pour rentrer à la maison, route large, pas d'ombre, garantie d'insolation... et en fredonnant, ben kin... "Phnom le dauphin..."!

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